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? En cette fin de semaine, l’affaire de l’incendie d’Intradis, début 2002, revient à la barre à Amiens.
? Les débats ont exceptionnellement lieu dans la salle des assises. Dernière audience vendredi 30 juin.
L’affaire du procès Intradis a repris jeudi matin au palais de justice d’Amiens. Elle s’achèvera vendredi soir. La semaine dernière, les magistrats se sont concentrés sur l’achat en 2015, potentiellement frauduleux par Iron Mountain, de la société d’archives (Le Journal de Ham du mercredi 28 juin). Objectif éventuel : provoquer une extinction de l’action publique et, ainsi, ne pas indemniser les parties civiles.
Rappelons que le sinistre du 28 janvier 2002 a totalement détruit l’exploitation sans faire de victime. Sont aussi citées les sociétés Ebenal et la SCI Som Roye. Elles étaient propriétaires du local loué à Intradis.
La journée de jeudi a été consacrée à un rappel des faits. La présidente, Delphine Raeckelboom, a souligné, d’emblée, qu’Intradis avait enfreint la loi : « La société avait obtenu une autorisation préfectorale d’exploitation mais sous réserve de réaliser des travaux de mise en conformité ». Elle a ajouté : « Il y a eu un manquement à la sécurité, notamment au niveau des extracteurs de fumée ». Le tribunal a ensuite tenté de comprendre comment l’incendie a pu se propager aussi vite. En effet, en proie aux flammes, le bâtiment s’est écroulé au bout de trente minutes. Les expertises ont débuté « Assez tard au cours de l’été 2002 et se sont poursuivies en décembre ».
Intradis et la formation aux risques
Plus tard sera évoquée une étude critique du rapport d’expertise de 2003. La présidente rappelle que l’auteur de ce rapport critique, mandaté par Intradis, décrira une « Méthodologie très critiquée. Les experts n’ont pas été mis dans de bonnes conditions. Ce n’était pas forcément les bonnes personnes ». L’auteur du rapport s’étonne de l’absence de constatations dans les ruines du bâtiment et de prélèvements non réalisés. Conformément au Code du travail, les juges se sont intéressés à la formation et à l’information aux risques d’incendie au sein d’Intradis.
Dix employés présents
La société comptait dix salariés dont huit en poste. Ils étaient répartis dans deux blocs : un pôle administratif et un autre opérationnel. Interrogés en 2009, la plupart a déclaré n’avoir jamais été formée aux consignes anti-incendie. Un ex-salarié dit avoir seulement lu des consignes sur des affiches. Il ajoute ne pas savoir manipuler un extincteur ni se servir d’une lance à incendie… Un exercice a cependant eu lieu avant le drame : selon un responsable entendu, « Il faut vingt minutes pour enflammer un container ». Tous affirment ne pas avoir subi de pression avant de témoigner. Les salariés interrogés disent avoir eu pour seules consignes de ne pas fumer dans l’entrepôt et de porter des chaussures de sécurité.
« Pas de formation«
Le procureur de la République prend alors la parole. Pour Franck Charon, « Si les salariés avaient été formés, ils auraient su choisir entre les extincteurs à eau et à poudre. Cela démontre l’utilité d’une formation ». De son côté la partie civile s’interroge : « Pourquoi les sapeurs-pompiers sont-ils intervenus vingt minutes après le déclenchement du feu ? ».
Plus tard, un juge d’instruction ordonnera un non-lieu. Selon ce magistrat, extincteurs et lances à eau étaient règlementaires. Si ce dernier relève cependant des infractions, il ne les lie pas à l’incendie. En 2015, en chambre d’instruction, un autre juge conclut : « Intradis était soumise aux obligations des installations classées. Intradis a été plusieurs fois mise en demeure de faire des travaux ».
Incendie criminel Intradis ?
Retour à la barre des parties civiles : « Intradis n’a pas demandé de contre-expertise de l’analyse initiale ». Pour la présidente, « Si infraction il y a, elle est involontaire. Cet incendie n’a pas de cause criminelle ». La criminalité éventuelle a néanmoins été passée au crible. Selon les salariés présents, le feu aurait débuté dans la matinée, au niveau du rez-de-chaussée et à proximité d’une cloison externe. Cependant la cause du feu demeure incertaine. D’après les résultats de l’enquête, la piste de l’incendie volontaire est écartée : « Aucune intrusion dans les bâtiments n’a été constatée par les employés le 28 janvier 2002. 1.700 clients archivaient dossiers et cartons. Il n’y avait pas de stockage dangereux ».
Intervention des parties civiles : « Ce sont juste des suppositions ». Réponse de la présidente Raeckelboom : « Il n’y a effectivement pas eu d’autres investigations. Cela aurait pourtant été un élément important pour comprendre la cause du sinistre ». Les juges ont passé beaucoup de temps à tenter de comprendre à quelle heure a débuté l’incendie. Tous sont unanimes : « Les salariés disent avoir vu les flammes gagner la toiture. Puis la lumière s’est coupée. Ils ont eu juste le temps de sortir ». Le bâtiment a résisté pendant une demi-heure.
Plaidoiries
Les plaidoiries des parties civiles ont débuté jeudi en fin d’après-midi. Les avocats sont tous inscrits au barreau de Paris. Maitre Alain Lévy a défendu ses clients pendant une heure. Il s’agit de MM. Chemetov et Huidobro. « On propose de nous indemniser au prix du papier, soit 9.214 euros. Ce professionnel de l’archivage n’a pas respecté ses obligations. Mes clients ont tout perdu. Je demande 2 millions d’euros à la société Iron Mountain », a dit l’avocat. Et de conclure ainsi : « L’objet de la fusion était de faire échapper Intradis à la voie pénale ».
Même son de cloche pour son confrère, maître Eric Turschwell : « La fusion entre Intradis et Iron Mountain ne répondait à aucune logique économique. L’objectif était d’échapper à la justice ». Il défend l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (APHP). L’avocat demande 585.000 euros de dommages et intérêts. Les deux parties civiles ont insisté sur « L’absence délibérée de formation d’Intradis aux risques de propagation d’’incendie ». Et de conclure cette troisième journée en ces termes : « Au contraire, on a continué à exploiter le site sans autorisation ».
Jeudi soir, à l’issue de la seconde plaidoirie des parties civiles, près de 3 M€ étaient déjà demandés insolidum en réparation à Iron Mountain ; Ebenal et Som Roye. Et la facture risque encore de s’alourdir… Vendredi matin, une dernière partie civile s’exprimera.
Puis le procureur de la République formulera ses réquisitions. La défense prendra la parole en dernier l’après-midi. L’affaire sera mise en délibéré en fin de journée à une date non encore connue.
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