JUSTICE
? Le centre des archives Intradis a brûlé en janvier 2002. Pas de victimes mais un préjudice colossal. Vingt ans après, le tribunal correctionnel d’Amiens juge les faits.
? Pour le ministère public, la fraude n’est pas caractérisée, concernant les soupçons de rachat d’Intradis dans le but de la fermer et éviter de dédommager les parties civiles.
On va de rebondissement en surprise dans le jugement en cours du dossier Iron Mountain (Intradis). L’affaire de l’incendie du centre d’archives de Roye, le 28 janvier 2002 (lire précédentes éditions), est examinée depuis jeudi 22 juin, par le tribunal correctionnel d’Amiens.
Quatre audiences sont au rôle. Vendredi 23 juin, en fin de matinée, la défense a proposé un nouveau renvoi à une date ultérieure. Motif invoqué : « Gagner du temps de parole ». Les parties civiles s’y sont catégoriquement opposées. : « Les victimes attendent depuis vingt ans. Il faut tout examiner pendant ces quatre jours ». Pour la présidente, Delphine Raeckelboom, « A ce stade le renvoi n’est pas forcément nécessaire ».
Iron Mountain : gros enjeux
Les parties civiles sont représentées par maîtres Alain Lévy ; Eric Turschwbl ; Olivier Bureth et Philippe Sarda. Ce dernier défend aussi le loueur du local sinistré, Ebenal. Cette société est prévenue dans cette affaire dix-huit ans après les faits (revirement de jurisprudence de la Cour de cassation en 2020). Les avocats sont inscrits au barreau de Paris.
Les parties civiles le savent : il ne sera pas possible de poursuivre Iron Mountain si la fraude n’est pas prouvée et donc jugée comme telle par le tribunal. « Il y a eu une intention frauduleuse pour éviter la responsabilités pénale de l’absent », a-t-on entendu. Les parties civiles s’interrogent sur l’intérêt du rachat d’Intradis par Iron Mountain : « C’est une société minuscule. Il y a des éléments comptables au dossier pour 2015. On notait un passif de 405.000 euros et un capital social de 300.000 euros. La société comptait 23 salariés ».
Iron Mountain : aucune perquisition
Le substitut du procureur de la République a pris la parole. Pour Franck Charon, « Il faut prendre en compte les réalités économiques de l’époque. Pour que la fraude soit caractérisée, on doit démontrer que la fusion a eu lieu afin de soustraire Intradis à la justice ». Et d’ajouter : « Il eut fallu laisser cette société subsister un peu pour se faire une idée plus réaliste et voir si c’était, ou non, une coquille vide ». Le substitut Charon a aussi pointé du doigt la faiblesse des investigations: « Il fallait se donner les moyens d’entrer en voie d’accusation. On aurait pu ordonner des perquisitions, examiner des mails, saisir l’informatique. L’intention de frauder n’est pas forcément évidente ». Et de conclure ainsi : « Les éléments actuels ne sont pas suffisants pour justifier la fraude ».
L’intervention du ministère public fait bien l’affaire des défenseurs d’Iron Mountain. « Le réquisitoire du procureur nous ramène à la raison. Que cela fait du bien… », a soupiré Mathieu Chirez. Même son de cloche pour son collègue, Thomas Ricard : « Frauder, c’est agir dans le seul but d’échapper à sa responsabilité pénale ». Mathieu Deligny a ajouté : « Le témoin entendu jeudi (ndlr : l’ex-directeur d’Intradis) était sincère même s’il n’a pas prêté serment ». Les enjeux sont donc importants. Les magistrats se prononceront sur ce rachat frauduleux potentiel, lors du délibéré final.
Caractérisation de l’infraction
La caractérisation de l’infraction, ayant conduit à la catastrophe, a commencé à être examinée vendredi en milieu après-midi. « Le manquement à la loi n’est pas un sujet simple », a dit d’emblée la présidente Raeckelboom, pressentant des débats ardus. En fin d’audience, la défense s’est fendue d’un court communiqué de presse. « Nous soutenons, depuis le début, que Iron Mountain n’a commis aucune infraction pénal ; même involontaire. Cette procédure n’a strictement rien à faire devant un tribunal correctionnel« , ont écrit maitres Chirez et Ricard.
Jeudi 29 et vendredi 30 juin, le dossier continuera à être examiné sur le fond. Cette fois, les débats correctionnels auront lieu dans la salle des assises. C’est le seul espace public climatisé du palais. La décision pourrait être rendue sur le siège.
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